Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Londres 1872

8 septembre 2007

8 septembre 07

Je m'appelle Lélian et je suis étudiant en Histoire de l'Art ; ceci est mon journal. Ce que je raconte n'a rien de passionnant. Il s'agit simplement de ma vie avec mon amoureux.

La première fois qu’on m’a parlé de lui, je n’ai pas pu m’empêcher de sourire. Mais, comme c’était en des termes très élogieux, j’acceptais néanmoins de le rencontrer.

On m’avait raconté que l’adolescent, alors âgé de seize ans, était un fan immodéré de mes dessins. Je m’attendais donc à voir débarquer dans le petit café où nous nous étions donné rendez-vous, un jeune homme timide, portant lunettes et bégayant.

Mais la personne qui vint me rejoindre à ma table n’avait pas la moindre ressemblance avec le portrait précédemment décrit.

Gabriel Séraphin avait décidément tout d’un Ange.

Des cheveux blonds, dispersés en pagaille autour de son visage d’un ovale parfait, un regard gris clair, des pommettes hautes, délicatement rosées, et deux lèvres fines découvrant parfois dans un sourire, l’émail scintillant de ses dents ravissantes.

Sans être prétentieux, Gabriel avait de l’assurance. Il m’expliquât, serein, la raison de notre entretien.

‘Je suis poète’ m’annonça-t-il d’emblée, guettant une réaction de ma part.

Amusé, j’haussai un sourcil dubitatif, tout en le détaillant du regard. Il n’était encore qu’un lycéen, étudiant en première littéraire. Je jugeai sa remarque plutôt ambitieuse.

Insensible à mes mimiques narquoises,  il entreprit de déballer trois petits cahiers, vert absinthe à la reliure d’argent, qu’il étala devant mes yeux entre le sucrier et mon paquet de cigarette.

Poésie, Prose, Absurde’ énuméra-t-il, les pointant l’un après l’autre de l’index.

Intrigué, je me saisis du dernier nommé, feuilletant les pages avec une secrète avidité. Les mots que j’y lu eurent sur moi l’effet de mille couteaux, craquant mes pores, déchirant mes entrailles.  Ce qu’ils dégageaient étaient d’une invraisemblable beauté, douloureuse et cruelle ;  magnifique. Je refermai le carnet le cœur au bord des lèvres, les yeux fixés sur mon génie, incapable de la moindre appréciation.

C’était au-delà de tout ce que j’avais pu imaginer. Placide, il m’exposa ses projets.

‘J’aimerais que l’on travaille ensemble’.

Il m’avoua s’être souvent inspiré de mon Art afin de composer des textes.

‘Tout est lié’ disait-il.

Et il me désigna quelques passages, qui m’évoquèrent aussitôt mes propres sentiments.

C’était incroyable. Il avait su coller des phrases sur mes brouillons les plus abstraits, analyser n’importe lequel de mes coups de pinceaux, recréer mes images.

Lorsqu’il me proposa de participer à la conception d’un recueil, lui écrivant, moi illustrant, j’acceptais aussitôt. Il était la chance de ma vie.

Nous nous quittâmes sur une promesse, celle d’aboutir à notre rêve commun.

Le lendemain, la prestigieuse école de Bruxelles me contacta, et une semaine plus tard je partais, pour une longue année d’apprentissage loin de ma ville-lumière, Paris.

Durant douze mois, je n’eu plus aucune nouvelle de lui et me résolus à oublier cette rencontre … mais l’Ange sommeillait toujours en moi.

Publicité
Publicité
Londres 1872
  • Destruction. Alcool. Candeur. Apocalypse. Délire. Saveur. Eclat. Androgyne. Décadence. Cigarette. Frisson. Lugubre. Diaphane. Ivresse. Douleur. A bout de souffle. Lèvres. Drame. Déliquescence. Magnétisme. Jouissance. Evasion. Albatros. Galantin. Libertine.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Publicité